Retrouver la confiance des consommateurs européens dans un contexte de crise financière

L'inflation galopante et la hausse des taux d'emprunt continuent de susciter l’inquiétude des ménages européens. Leurs revenus réels stagnent, voire diminuent, ils doivent faire face à des choix difficiles. Malgré la réduction de leurs dépenses quotidiennes, ou le recours aux fournisseurs low cost, les consommateurs européens doivent faire preuve de plus de flexibilité. Cependant dès lors qu’ils n’auront plus la capacité d’honorer leurs paiements, les consommateurs européens cesseront de le faire. Notre étude montre que de nombreux européens ont déjà atteint ce stade. Notre enquête auprès des 20 000 consommateurs européens, qui s'est achevée en septembre 2023, révèle que plus d'un tiers d'entre eux n'ont pas payé au moins une facture à temps au cours des 12 derniers mois. Il s'agit de la proportion la plus élevée depuis 2019.

Un quart des consommateurs dépensent plus que ce qu’ils gagnent.

 

De plus, la moitié d’entre eux affirment qu'ils disposent aujourd'hui d'un revenu disponible inférieur à celui qu'ils avaient l'année dernière à la même époque. Ce constat va dans le sens d'un récent rapport de l'OCDE qui indique que les salaires réels, corrigés de l'inflation, ont baissé dans 22 des 24 pays européens au Q1 2023.

D'après nos propres données, environ la moitié des consommateurs parviennent à peine à équilibrer leur budget chaque mois, tandis que 24 % d'entre eux sont contraint de dépenser plus que ce qu’il ne gagne. Les consommateurs européens affirment dépasser leur budget mensuel de 232€ chaque mois.

Mais la véritable problématique reste que presque tout est devenu beaucoup plus cher. La Commission Européenne prévoit que l'inflation dans la zone euro atteindra en moyenne 5,6 % au cours de l'année 2023, mais les prix ont augmenté à un rythme effréné. L'inflation devrait avoir atteint un pic de 8,6 % dans la zone euro et de 10 % dans l'ensemble de l'UE. Le Royaume-Uni a lui aussi connu des taux records.

Les politiques mises en place pour lutter contre l’inflation n’ont fait qu’aggraver la situation.

La Banque centrale européenne a relevé son taux de base pour l'euro à dix reprises consécutives, pour atteindre un taux record de 4 % en septembre 2023. La Banque d'Angleterre a pris des mesures encore plus radicales en augmentant son taux de base de 0,25 % en décembre 2021 à 5,25 % en août 2023. Les consommateurs subissent donc de plein fouet la hausse des taux d’intérêts.

Un climat encore incertain

 

L'inflation semble diminuer et les économistes s'accordent à dire que le durcissement de la politique monétaire prendra bientôt fin. Les taux d'intérêt commenceront - très progressivement - à baisser en 2024, même au Royaume-Uni.

Mais les défis financiers des consommateurs sont loin d'être résolus. L'inflation reste élevée et dépasse largement les 2 % fixés par les instances politiques. Malgré le fait que les rémunérations des salariés soient plus élevées, elles ne suivent pas le rythme de l'inflation.

Les ménages sont donc encore plus impactés, et ce phénomène est accentué avec la hausse des taux d’intérêts. Dans une grande partie de l'Europe, des propriétaires ont des prêts hypothécaires à taux fixe, établis depuis plusieurs années. Ces emprunteurs ne seront exposés à la hausse des taux d’intérêts qu'à l'expiration de leur contrat de prêt. C’est à ce moment là que se posera le problème du refinancement de ces emprunts.

Au Royaume-Uni, le détenteur d'une hypothèque avait en moyenne un taux d'à peine 3 % en juin 2023. En parallèle le coût d'une nouvelle hypothèque à taux fixe sur deux ans avait atteint 6,7 %. À la fin de l'année 2024, 4,4 millions d'emprunteurs britanniques devront à nouveau se financer et faire face à des coûts hypothécaires très élevés.

Les consommateurs européens sont confrontés à des perspectives similaires, même si l'on constate des différences importantes entre les pays. Dans la zone euro, seuls 23,1 % des emprunteurs souscrivaient un emprunt à taux variable à la fin du mois de juin. En Allemagne et en France, les chiffres étaient respectivement de 16,5 % et de 3,6 %, mais ils atteignaient 68 % au Portugal et 40,9 % en Italie. Ainsi, des dizaines de millions d'emprunteurs vont donc subir un choc lorsqu'ils seront contraint de renouveler leur prêt immobilier.

Dans ce contexte économique, il est compréhensible que les consommateurs se sentent pessimistes. Seuls 45 % d'entre eux nous disent qu'ils s'attendent à ce que leur situation financière s'améliore au cours des 12 prochains mois. Ils s'attendent à ce qu'il faille encore au moins un an et demi, en moyenne, pour que l'inflation élevée cesse d'avoir un impact significatif sur leurs revenus. Leur inquiétude engendre malaise et mécontentement.

Deux personnes sur trois déclarent ne pas pouvoir s'imaginer s’enrichir un jour, quels que soient le temps et les efforts qu'elles consacrent à travailler dur et à épargner davantage. Près de trois personnes sur 10 ont déjà commencé à craindre que les progrès technologiques, tels que l'IA générative, n'entraînent d'autres problèmes en les privant de leur emploi.

Comment les entreprises peuvent-elles faire face?

 

Notre étude révèle que les entreprises font face à une clientèle incertaine, frustrée et cynique. Elles devront faire preuve de prudence dans les mois à venir.

Cela pourrait signifier qu'elles doivent adapter leurs stratégies pour anticiper les changements de priorités des consommateurs. Deux tiers des consommateurs remettent désormais en question leurs dépenses sur des produits non essentiels (abonnements numériques, cafés à emporter). Environ la même proportion se tourne vers des produits et des services moins chers. Une approche beaucoup plus réfléchie des consommateurs pour optimiser leur budget.

Les entreprises doivent également se préparer à gérer l'impact retards de paiements et des prêts non performants. Les entreprises devront investir davantage dans la gestion de leurs impayés et des retards de paiement. Elles devront faire preuve de flexibilité et d’accompagnement, afin de pérenniser leurs relations avec leurs clients.

Adopter une approche autoritaire vis à vis des clients qui éprouvent des difficultés à payer leurs factures, et à rembourser leurs prêts, risque de n’avoir aucun impact significatif sur le niveau d’impayés de l'entreprise, et pourrait même aller à l'encontre du but recherché.

En effet, pour un grand nombre de consommateurs qui sont sur le point de ne pas honorer une facture, le problème n'est pas qu'ils ne veulent pas payer, mais qu'ils ne peuvent pas le faire.

Au contraire, les entreprises devront trouver des solutions pérennes qui soit satisfaisante pour les deux parties. Cela signifie qu’elle devront trouver un équilibre entre la fermeté et l'empathie, entre l'action en justice et la possibilité de proposer un échelonnement des paiements.

En tant que société de recouvrement de créances nous défendons une approche éthique et responsable. Nous sommes convaincus que notre action est déterminante pour l’économie et que nous avons un rôle crucial à jouer en fournissant accompagnements et conseils aux entreprises et aux consommateurs.

Comment renforcer la confiance des consommateurs?

 

Il existe différents leviers pour les entreprises qui s'adressent aux consommateurs. En cette période difficile pour l'économie européenne, on pourrait s'attendre à une nouvelle vague d'hostilité des consommateurs à l'égard du "système", c'est-à-dire des grandes entreprises et de tous ceux qui cherchent à accroître leur rentabilité.

D'après notre étude, et à l'instar d'autres périodes de l'histoire où les inégalités se sont accrues, les consommateurs commencent à avoir l'impression que l'économie leur est défavorable. Huit personnes sur dix interrogées dans notre étude pensent qu'il devient de plus en plus difficile d'accéder à la propriété.

Dans ce contexte, les entreprises qui ne prennent pas conscience de la situation économique des consommateurs risque de se voir pénaliser sur le long terme. En effet, certains signes indiquent que les normes sociales établies sont bouleversées. Près d'un consommateur sur trois nous dit qu'oublier de payer une facture le ferait se sentir moins coupable aujourd'hui que dans le passé.

Les consommateurs se disent également attentifs aux pratiques des entreprises qui tentent d'exploiter leurs difficultés, telles que la "greedflation" (les entreprises augmentent leurs prix lorsque leurs coûts augmentent, mais ne les réduisent pas lorsque leurs coûts diminuent, ou elles utilisent simplement l'excuse de l'inflation pour augmenter leurs prix afin d'accroître leurs bénéfices).

Les consommateurs acceptent que les coûts augmentent, mais en revanche ils souhaitent un traitement équitable : près des trois quarts d'entre eux (soit 71 %) déclarent qu'ils cesseraient de dépenser de l'argent auprès d'une entreprise qu'ils soupçonneraient de pratiquer de la "greedflation".

Une stratégie éthique et responsable est la clé.

 

La bonne nouvelle, c'est que les entreprises qui adoptent des mesures éthiques et responsables s’assurent d’instaurer un climat de confiance et de pérennité vis à vis de ses clients.

Les consommateurs sont sensibles à la mise en place de ce type de politique au sein d’une entreprise. Plus de deux tiers d’entre eux (soit 67%) pensent que les entreprises devraient proposer davantage de solutions de paiements flexibles pendant les périodes économiques difficiles. Et la moitié d'entre eux déclarent qu'ils sont plus enclins à dépenser de l'argent auprès d'entreprises qui proposent ce type de solutions.

En cette période d'incertitude économique, les consommateurs comme les entreprises sont confrontés à bon nombre de difficultés. Nous sommes dans une période où les choix fait aujourd’hui auront un impact demain.

Pour les entreprises, ce qui va primer c’est la manière dont elles vont accompagner leurs clients dans ce contexte économique difficile.

Devront-elles adopter des mesures musclées à l’égard des impayées ? Ou bien devront-elles agir avec compréhension et empathie en établissant un lien durable et une relation de confiance qui soit profitable à tous ?

Andrés Rubio President & CEO Intrum.

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