L'European Payment Report 2025 - Focus France

Dans un environnement marqué par des tensions persistantes sur la trésorerie des entreprises, une instabilité géopolitique et des perspectives de croissance incertaines, Intrum publie l’édition 2025 de son rapport annuel European Payment Report (EPR). L’étude, conduite auprès de 9 150 entreprises dans 29 pays, dont plus de 400 en France, dresse un constat exigeant mais lucide : la gestion des paiements est désormais un enjeu stratégique, éthique et technologique.

Dans un contexte de croissance modérée (PIB prévisionnel +0,8 %), des tensions demeurent fortes :

40 % des entreprises françaises anticipent déjà des revenus inférieurs aux projections budgétaires,
33 % observent une dégradation des délais de paiement,
1 PME sur 3 se dit menacée en cas d’absence de croissance soutenue d’ici deux ans.
 

"Ce que révèle l’EPR 2025, c’est un contexte économique sous tension. Ce sont des entreprises qui gèrent des trésoreries fragiles, des équipes sur-sollicitées et un besoin criant de nouvelles solutions technologiques opérationnelles. Nous devons repenser notre rapport au processus de règlement : plus prédictif, plus équitable, plus engagé. "— Thomas Duvacher, Président d’Intrum France

 

Axe 1 - De la prudence passive à l’anticipation stratégique

 

Dans un climat économique encore marqué par un manque de visibilité, les entreprises françaises font preuve d’une vigilance accrue, privilégiant des approches défensives. Ainsi, 43 % d’entre elles s’attendent à une stagnation économique, voire une contraction de l’économie nationale au cours des mois à venir. Parallèlement, près de la moitié des dirigeants (49 %) redoutent que les évolutions fiscales – telles qu’une hausse de l’impôt sur les sociétés – pèsent durablement sur leur rentabilité et leur capacité d’investissement.

Malgré ce contexte tendu, seules 24 % des entreprises déclarent s’être dotées d’une assurance-crédit pour se prémunir contre les risques d’impayés. Un paradoxe, alors même que les retards de paiement s’installent comme une menace systémique, bien au-delà d’aléas ponctuels. La majorité des structures continuent en effet de gérer leur poste client de manière essentiellement réactive, avec des dispositifs de prévention encore trop peu déployés.

Derrière cette inertie se cache un enjeu de transformation : dans un environnement où la volatilité devient la norme, piloter sa trésorerie ne peut plus relever de la simple gestion courante. Il s’agit désormais de détecter les signaux faibles, d’outiller les équipes opérationnelles, et de faire de la liquidité un levier stratégique à part entière. L’anticipation n’est plus une option : elle conditionne la résilience à court terme et la compétitivité à long terme.

Axe 2 - Accélérer avec l’IA : faire de la relance un levier de performance opérationnelle

 

Si l’intelligence artificielle s’impose progressivement dans les processus financiers, son intégration opérationnelle reste encore incomplète. En France, 57 % des entreprises déclarent recourir à l’IA dans la gestion des paiements, tandis que 58 % estiment qu’elle pourrait significativement renforcer leur capacité à anticiper les retards. Pourtant, dans le même temps, près de six dirigeants sur dix reconnaissent ne pas disposer, en interne, des compétences nécessaires pour en exploiter pleinement le potentiel.

Ce paradoxe technologique s’accompagne d’un constat opérationnel préoccupant : les entreprises consacrent en moyenne 63 jours ouvrés par an à la relance manuelle des factures impayées — soit l’équivalent de trois mois de travail à temps plein sur une activité à faible valeur ajoutée. Ce poids invisible ralentit les dynamiques de croissance, fragilise les ressources humaines et retarde les décisions stratégiques.

Dès lors, l’IA ne saurait être perçue comme un simple adjuvant technologique. Elle doit devenir un levier structurant pour personnaliser les scénarios de recouvrement, segmenter les profils payeurs, automatiser les processus et renforcer l’efficacité relationnelle. Son usage intelligent permettrait de repositionner la gestion du poste client au cœur de la performance durable — à la fois plus rapide, plus fine, et mieux alignée avec les exigences comportementales contemporaines.

Axe 3 – Responsabilité : refonder la confiance entre acteurs économiques

 

Le troisième enseignement de l’étude renvoie à une responsabilité partagée dans la chaîne de valeur. 70 % des dirigeants interrogés estiment que les grandes entreprises portent une obligation particulière vis-à-vis des plus petites, notamment en matière de respect des délais contractuels. Pourtant, 41 % des répondants déclarent avoir perdu en pouvoir de négociation, et 31 % des PME françaises se disent en situation de risque si les pratiques de paiement ne sont pas rapidement réformées.

Dans certains cas, jusqu’à 30 % du chiffre d’affaires annuel est payé en retard, générant des tensions structurelles qui affaiblissent l’économie réelle. Ces décalages créent des chaînes de dépendance où l’effort est reporté systématiquement sur les maillons les plus fragiles, au détriment de la compétitivité collective.

"Dans une économie où plus de 99 % des entreprises sont des TPE-PME, maintenir des pratiques de paiement déséquilibrées revient à affaiblir l’ensemble du tissu économique. Il est temps d’instaurer une culture du paiement plus responsable, où chaque acteur, du donneur d’ordre au sous-traitant, assume sa part dans la chaîne de confiance. " — Thomas Duvacher, Président d’Intrum France

Refonder la confiance suppose de redéfinir les rapports contractuels, de renforcer la transparence, et de faire du respect des engagements une norme stratégique. Dans cette nouvelle grammaire de la performance, la ponctualité devient une valeur aussi essentielle que la rentabilité.

Vers un capitalisme de flux plus exigeant

 

L’EPR 2025 trace les contours d’un nouveau modèle de gestion, où la solidité d’une entreprise ne se mesure plus uniquement à sa rentabilité, mais à sa capacité à anticiper les risques, à intégrer intelligemment la technologie, et à assumer ses responsabilités dans la chaîne économique.

Pour répondre aux défis du temps long, les entreprises françaises devront combiner trois leviers essentiels :

Une anticipation proactive, pour piloter leur trésorerie comme un capital de croissance, une intégration raisonnée de l’intelligence artificielle, pensée comme un outil d’efficacité opérationnelle et d’éthique, et un engagement contractuel renouvelé, garant de stabilité et de compétitivité partagée.


À propos de l’EPR 2025

 

L’European Payment Report, réalisé entre novembre 2024 et février 2025, analyse les comportements de paiement dans 29 pays européens. Basé sur les réponses de 9 150 dirigeants d’entreprise, dont 70 % issus de PME, il offre une vision à la fois macro et microéconomique des tensions de trésorerie, des pratiques de règlement et des leviers de transformation à mobiliser.